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Salle Foblant

En cette année 2012, ne doit-on pas s'attarder sur la famille FOBLANT, et en savoir un peu plus sur cette ancienne et illustre famille de BULLE.

Le premier FOBLANT qui est cité à BULLE  apparaît pour la première fois dès le début du XVIIème siècle, il se nomme Jean, mais se fait appeler Jean de BULLE. Il s'est fait remarquer par ses écrits après le passage des Suédois en Franche Comté en 1639. Les générations se succèdent, et c'est au 18ème siècle que l'on retrouve les FOBLANT dont il est fait mention d'un certain Jean-Claude, humble laboureur qui eut deux fils qui élevèrent chacun une grosse famille respectivement de 9 et 10 enfants. Le fils ainé de Jean-Claude, Jacques-Joseph, né en 1758, laboureur comme son père, fut maire de BULLE ; il mourut en 1818. Un de ses fils,  Félix, professeur de maths fonda avec son frère prêtre un collège libre à Ruffey, en secteur lédonien, (ce dernier sera appelé plus tard auprès de l'évêque d'Orléans). Deux autres fils  furent frappés par la guerre, l'un tué à la bataille de Leipzig, l'autre amputé d'un bras au cours de la bataille de Sens. Deux autres enfants sont mentionnés, garde forestier pour l'un, « artiste vétérinaire » pour l'autre.

Mais celui qui se distinguera le plus en exerçant ses talents de médecin dans l'île de CHYPRE, se nomme Jean-Irénée, appelé simplement Irénée. Il a quitté ses fonctions dans l'enseignement au collège royal de Versailles pour rejoindre son ami Xavier MARMIER à PARIS, et entreprend des études de médecine. Une fois reçu docteur, il se  vit confier un emploi sur l'ile de CHYPRE au service du gouvernement Turc.

Là, il se distingua particulièrement lors de l'explosion de la poudrerie de LARNAKA en 1856 en limitant les dégâts au risque de sa vie par l'éloignement de barils de poudre, et en prodiguant des soins à la population locale décimée et paralysée par les blessures. Il fut, entre autres décorations, nommé chevalier de l'Ordre Impérial de la Légion d'Honneur.

Il est dit que tous les journaux de France et d'Europe « exaltèrent sa conduite héroïque ».

Mais revenons aux FOBLANT, puisque ce sont eux qui nous intéressent aujourd'hui, en mettant à l'honneur notre village de BULLE

Et pour ce faire, c'est la fille du vétérinaire, donc la nièce d'Irénée le docteur, Marie-Félicie, née en 1842, qui retiendra toute notre attention. Orpheline de mère à 18 ans et de père à 21 ans, après avoir  postulé à l'hôpital de Pontarlier, puis être entrée dans les ordres, elle prend le voile et rejoint les sœurs hospitalières. Là, son engagement est total, elle occupe tous les postes, et très vite ses qualités en tous genres la propulsent au grade de supérieure, avec tout ce que cela implique de compétence et d'abnégation autant dans les domaines hospitaliers, administratifs, sociaux, cultuels et relationnels.

En 1867, Mr l' abbé Foblant, vicaire à Paris, de  par son testament olographe,  a  institué légataire universelle sœur Félicie, sa nièce, religieuse à l'hôpital de Pontarlier, de la « Congrégation des Sœurs de la Charité »;  en même temps qu'il léguait  à la  « Fabrique de l'église de Bulle » une somme de 24 000 francs dont les revenus étaient destinés à l'entretien  d'une maison d'éducation pour les jeunes filles d'une part, et d'un bureau de bienfaisance pour les pauvres et les malades de la paroisse, établissement devant être dirigé par des religieuses, d'autre part.

Par le même testament, il affectait un capital de 4 000 francs à la fondation d'une bourse au séminaire diocésain pour subvenir aux frais d'instruction ecclésiastique d'un jeune homme de sa famille, ou de la commune de Bulle. Mais au décès de l'abbé Foblant, en 1874, un décret du Préfet a autorisé la Fabrique de Bulle, le Bureau de Bienfaisance, et la Commune à accepter le legs de 24 000 Francs. Sœur Félicie mourut en 1921, après une douloureuse maladie, laissant la ville de Pontarlier dans un chagrin indescriptible, selon les récits des journaux.

L'épisode du legs de 24 000 francs pouvait donc se prolonger, et se concrétiser. On suppose même que l'argent fut bien placé, puisqu'il permit la construction du bâtiment appelé aujourd'hui FOBLANT. Quelques-uns de nos contemporains, rares actuellement, ont encore de vagues souvenirs de l'implication de la population pour ce grand chantier. Les murs ont été maçonnés de pierres extraites de carrières locales par des bénévoles uniquement, et de sable tiré de carrières de Bouverans et de La Rivière; le tout charroyé avec des bœufs. Tous les matériaux ont été fournis par la population. Le maçon embauché, Carlo ZUCCHI, véritable personnage, venant d'Italie, a su allier l'utile à l'agréable en trouvant l'âme sœur au village : feu notre vénérable Aline. C'était en 1932. Ce grand bâtiment tout neuf, tout pimpant faisait la fierté du village, et chacun s'identifiait à cette réussite. Il fallait maintenant l'habiter, et, selon les vœux du donateur. C'est ainsi que les sœurs ont  intégré la population villageoise. Le travail ne manquait pas, surtout quand on veut se mettre au service des autres. Mais les sœurs sont polyvalentes avec beaucoup de talents à partager.

Nous sommes encore nombreux à nous souvenir de Sœur Louis, sœur Cécilia, et sœur Jean de la Croix qui recevaient les enfants pour des séquences de patronage, comme on disait ; cela consistait en une sorte d'apprentissage de la broderie, la couture, le tricot, la pâtisserie, la poterie, le dessin, la peinture etc. en s'adressant aux filles surtout.

Elles avaient aussi une mission d'aide au prêtre, en s'occupant de l'ornement de l'église, et du cérémonial de toutes les fêtes religieuses. Elles assumaient également un rôle d'éducation chrétienne en enseignant le catéchisme, en complément du prêtre. On n’a pas oublié surtout cette prise en charge des jeunes filles par l'apprentissage de  l'expression théâtrale, avec de jeunes dames, et parfois quelques jeunes hommes. Les sœurs ont su faire révéler de véritables talents d'actrices et d'acteurs du village, qui ont fait la une des spectacles du secteur.

Mais, également, elles faisaient office d'infirmière ; c'était une chance d'avoir quelqu'un à domicile, pour soigner, panser, désinfecter, bander, appliquer les cataplasmes à la moutarde, plaquer  les ventouses, faire les piqures, ... Et puis, elles vivaient dans un lieu d'écoute, de confiance, de soulagement, d'hébergement parfois, de soutien moral en temps difficiles de guerre !

Ce n'est donc pas par hasard si cette maison des sœurs portait le qualificatif d'asile, même le nom d' « Asile », oui c'est ainsi qu'on l'appelait, et encore depuis peu d'années ! Les sœurs ont quitté le village en 1951, victimes de la crise des vocations ; mais oui, déjà à cette époque, il fallait regrouper ; et c'est le maire et le curé de La Rivière qui ont « volé les sœurs de Bulle ». Les courriers échangés à ce sujet témoignent de véritables tours de force, de persuasion surtout, pour étayer les arguments des détenteurs d'une part, des accapareurs d'autre part.

A l'analyse des propos de toutes les sensibilités de cette période, on peut imaginer que la cohabitation n'était pas toujours simple avec les caractères bien trempés des curés, des religieuses, des maires et des instituteurs ici ou là. La loi de 1905 a été longue à mettre en place, et les sujets d'affrontements ne manquaient pas après la séparation des biens du  Clergé et de l'Etat.

Bref, pas de polémique, mais c'est tout de même dans ce contexte d'époque ou de tensions idéologiques que la propriété échappe complètement à la commune ; on se  souvient tout de même que la commune était citée dans le décret  préfectoral de 1874. Or, en1951, la maison des sœurs se vide, et c'est en 1952 que la  « Société Immobilière de Franche Comté » se l'approprie, convertie en parts constituant en partie le capital de ladite société, composée en  majorité de membres du clergé, et instituée pour acquérir, administrer, exploiter, gérer, louer, ou mettre en valeur tout immeuble  pouvant lui être  confié.

En 1961, la société est dissoute, et l'immeuble fait l'objet d'un apport à titre gratuit à l'Association Diocésaine par un acte notarié signé le 8 décembre 1961. Nous y voilà donc avec le propriétaire avec lequel il faudra composer. Désormais le bâtiment est quelque peu délaissé, seul l'appartement sera loué à un foyer, laïc maintenant. Avec l'arrivée d'un nouveau prêtre,  le contact s'établit, le dialogue est possible et la coopération devient plus facile. Alors les jeunes veulent utiliser le rez-de-chaussée, l'aménager  à leur souhait, en organisant des kermesses, par exemple, qui seront les  prémices de la fête des Grands Pieds. Les sièges et strapontins sont démontés, la salle s'organise petit à petit en salle de jeux, avec installation de baby- foot, table de ping-pong. C'est bien, les jeunes se rencontrent, l'esprit change. La bienveillance, mais aussi la surveillance du prêtre est là, elle est respectée.

Mais l'évolution va vite, et une nécessité s'impose. Il faut un encadrement. Les jeunes sont réalistes, ils se prennent en charge, et créent une association pour structurer les choses. Un comité des fêtes est créé, avec l'aide des responsables municipaux ; et c'est à partir de ce moment-là que tout évolue. La  transformation du bâtiment est orientée définitivement. Le prêtre qui a accompagné l'évolution laisse en quelque sorte les initiatives aux  responsables divers locaux. La commune investit en partenariat avec le comité des fêtes qui ne ménage pas ses peines et devient un support financier indispensable. Dès lors, beaucoup de travaux, d'aménagements vont se succéder pour arriver à la situation d'aujourd'hui.

Mais les garanties sont éphémères par le biais de baux de 9 années. Investir toujours dans un bien qui ne nous appartient pas n'est pas concevable indéfiniment. De longs pourparlers s'engagent entre la commune, l'association diocésaine et la paroisse. Il faut parvenir à un  consensus qui prend en compte les susceptibilités mais aussi les droits et les attentes de chacun des attributaires pour garder l'esprit  traduit par le donateur. C'est  dans ce contexte qu'est né en 1987, ce bail emphytéotique de 60 années qui organisait l'utilisation du bâtiment Foblant et permettait une réserve sur le bâtiment du presbytère pour les besoins de la paroisse.  C'est là, la dernière étape, et comme toutes les autres, discutée âprement par tous les intéressés avec, à chaque fois, la raison l'emportant.

Aujourd'hui, avant tous débuts de travaux, les négociations avec l'association diocésaine ont abouti. La commune était acheteuse, et l'association diocésaine vendeuse. La transaction s'est faite en bonne harmonie, assortie des garanties énoncées pour la paroisse lors de la signature du bail emphytéotique.

On a pu comprendre, tout au long de ce tracé d'événements vécus, de successions d'épisodes à la fois compromettants et à la fois engageants, l'implication des générations successives qui ont modelé ce que l'on appelle aujourd'hui le bâtiment FOBLANT. C'est pourquoi, plus qu'un banal immeuble, cette bâtisse a une âme au cœur du village qui fait la jonction entre les administrés et les paroissiens de Bulle et qui a donc pour vocation la réunion de tous les habitants de Bulle, toutes générations confondues. A l'aube d'un autre regard sur cet édifice souhaitons pleine réussite aux objectifs attendus. Claude Pasteur